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terminée, l’énergie absolue ; c’est l’énergie sous la forme de l’individualité telle qu’elle doit apparaître à la conscience individuelle entrant en conflit avec les objets extérieurs ou avec son propre organisme qui, en tant qu’il résiste, est un objet extérieur. Hume, et ceux qui prétendent ramener toute réalité à ce qu’ils appellent la force, commettent en sens inverse la même erreur fondamentale. Lorsque Hume prétend que nous ne saisissons pas en nous-mêmes l’énergie causale, parce que nous ne saisissons pas le détail des énergies intermédiaires par où s’exerce notre causalité, il a l’air de supposer qu’il y a un fonds ultime d’énergie où l’on peut descendre et où nous ne descendons pas, un absolu d’énergie que l’on peut saisir et que nous ne saisissons pas. Les autres, au contraire, s’imaginent que cette énergie absolue et ultime, la conscience la saisit. Mais l’énergie n’existe pas tout entière sous une forme déterminée, pas plus que l’être ne s’épuise en une manifestation particulière. Il y a, sous la conception que l’on appelle dynamique, un matérialisme inaperçu. Elle considère l’être, la force comme une chose que l’on peut étreindre dans un acte unique et serrer en quelque sorte dans la main. On dirait que la vérité est dans le monde comme un caillou dans l’eau, et qu’il ne faut point se laisser tromper au reflet, mais aller droit jusqu’à la pierre. Il n’en est rien. L’infini ne se laisse pas réduire à l’un de ses aspects et l’être ne se laisse pas ramener à ce type spécial de la force que nous fournissent le sens musculaire et le sens du toucher. Je sais bien que la science pourra retrouver dans toutes les manifestations des vestiges et comme des analogies de la force. Je sais bien que la lumière solaire fait un travail, qu’elle provoque des actions et des réactions et que, sous une