Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/218

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

triques. Ainsi, partout où il faut arracher la matière à l’isolement, à l’esprit de résistance et d’exclusion, partout où il faut obtenir avec des éléments agglomérés une action une et rapide, l’électricité semble intervenir. Il n’est pas téméraire de supposer que l’électricité, moyen d’unité et d’action, est la condition de la conscience, ou mieux, qu’elle en est en quelque sorte la figure et qu’elle en imprime la forme aux éléments matériels. Si les astres auxquels les anciens prêtaient une âme divine arrivent un jour à la conscience, il est probable que c’est dans l’unité préalable de leur vie électrique qu’ils en trouveront les premiers linéaments. Ce n’est pas sans raison que des esprits inquiets, qui veulent échapper au matérialisme sans sortir de la nature et de la réalité, considèrent que les phénomènes électriques sont à certains égards des phénomènes spirituels. Balzac a merveilleusement pressenti cet ordre de vérités ; mais je me propose seulement d’indiquer, autant qu’on le peut faire en un sujet aussi peu connu, que si les phénomènes électriques ne sont pas l’objet d’une espèce distincte de sensation, c’est peut-être parce qu’ils sont trop près de la conscience elle-même. Peut-être, à certains égards, sont-ils la forme extérieure de la conscience. En les percevant, elle se percevrait encore elle-même, mais elle se percevrait comme extérieure à soi, ce qui est contradictoire. Aussi ne perçoit-elle l’électricité que dans ses effets indirects sur les sens dont elle n’est point l’objet propre, sur le toucher, la vue, etc.

Donc, il semble que tout ce que la conscience de l’homme n’atteint pas par des sens spéciaux, elle ne doit pas l’atteindre. Elle n’est pas arrêtée par une limite arbitraire ou par une faiblesse constitutive, mais par la