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moment en une résultante toutes ses forces. Et comment pourrait-elle résumer en un état d’innombrables états, s’il n’y avait pas entre eux des éléments communs ? Or lorsque des états qualitativement distincts, comme on les suppose, ont des éléments communs, il est nécessaire de supposer en eux la quantité. Car, ou bien ils restent distincts les uns des autres, même en tant qu’ils ont des éléments identiques, et cette distinction de fait dans l’identité qualitative ne s’explique que par la quantité ; ou bien, par leurs éléments identiques, ils se confondent et ne font qu’un, et alors, s’il n’y a pas en eux de quantité, l’élément commun à tous est détruit en tous, sauf en un. C’est par la quantité seule qu’il peut y avoir synthèse d’états distincts ; sans elle, il y a simplement destruction de tous les états, en tant qu’ils ont une forme commune, au profit d’un seul.

Certes, je ne prétends pas que nos divers sentiments ne se distinguent les uns des autres que par la représentation extensive de leur objet ; il est certain, par exemple que l’amour de la richesse et l’amour du pouvoir diffèrent essentiellement. Ce n’est pas parce que d’un côté l’âme se représente des moyens de jouissance, des édifices, des jardins, des équipages, et de l’autre, tous les signes extérieurs de la domination sur les hommes, que l’amour de la richesse et l’amour du pouvoir ne se confondent pas ; la richesse est la possession des choses, des forces brutes ; le pouvoir est dans une certaine mesure la possession des volontés, des forces conscientes. Ainsi, à la rigueur, on pourrait faire disparaître l’espace et toutes les représentations extensives des objets sans confondre ces deux sentiments. Dans un monde tout métaphysique et où il y aurait, comme dans le système de Leibniz, par exemple, relation directe