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d’états plus élémentaires qui enveloppent à leur tour d’autres états, et peut-être à l’infini. C’est par là que se distinguent l’amour de la gloire chez tel homme et le même amour chez un autre homme. Ainsi semble-t-il que, de détermination en détermination, d’état en état, nous trouvions toujours des qualités nouvelles, et que la quantité nous fuie toujours. Mais ici encore il y a un sophisme ; car ce n’est pas la quantité nue, dépouillée de toute qualité, que nous cherchons. Nous prétendons, au contraire, que la quantité est intérieure à la qualité. Si on l’en pouvait isoler, c’est M. Bergson qui aurait raison. Nous n’allumons pas notre lanterne pour aller à la recherche de la quantité, nous disons que la quantité est déjà dans la flamme de la lanterne, et qu’elle agit là suivant sa loi. Car enfin, comment chacun de ces états relativement simples qui sont en nous, l’amour du pouvoir ou de la vérité par exemple, peuvent-ils nous apparaître, en effet, comme un état relativement simple et distinct ? Ils enveloppent, dites-vous, une multitude indéfinie de tendances précises, d’états déterminés. Soit, mais encore faut-il que la conscience dégage la direction commune de ces tendances et de ces états ; sans cela, elle se perdrait et se dissoudrait dans l’infinité actuelle des états et des tendances. Si la terre obéissait expressément et particulièrement à chacune des forces innombrables qui la sollicitent à l’infini, elle serait immédiatement déchiquetée et dispersée, ou plutôt elle n’aurait pas assez de tous ses atomes pour suffire aux exigences de l’infini ; mais elle résume toutes ces exigences en une résultante unique, la ligne de sa course est une, si compliquée qu’en soit la loi, et la terre dans cette voie unique retrouve unité et liberté. La conscience de même est obligée de traduire à tout