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l’on appelle la quantité intensive n’existe pas dans les sensations ; qu’il y a entre toutes les sensations, si analogues qu’elles paraissent, non des différences de degré, mais des différences de qualité, et qu’elles ne paraissent offrir des différences quantitatives que par leurs rapports à certaines quantités variables situées dans l’espace homogène. Dès lors, on pourrait conclure que pour M. Bergson la quantité extensive est présente et presque essentielle à la sensation, puisque c’est elle qui détermine jusque dans les sensations l’apparence de variations intensives. Mais ce n’est pas là du tout sa pensée. En fait, M. Bergson a bien vu, comme nous avons essayé tout à l’heure de le montrer, que la quantité intensive dans la sensation impliquait la quantité extensive. La quantité intensive dans la sensation, c’est une certaine quantité d’être appropriée par la forme de la sensation ; la quantité extensive, c’est cette même quantité d’être à l’état d’indétermination. Mais pour que l’être puisse être approprié en quantités variables par telle ou telle forme de sensation, il faut qu’il existe à l’état de quantité pure, en dehors de toute appropriation. Voilà comment, selon nous, la quantité intensive suppose nécessairement la quantité extensive ; voilà comment aussi la quantité extensive devient, en quelque sorte, aussi intérieure à la sensation que la quantité intensive elle-même. Or, M. Bergson veut justement distinguer les faits internes, profonds, qui jaillissent du moi, qui ne relèvent ni de l’étendue, ni de la quantité, ni de la mesure, et l’apparence de phénomènes quantitatifs et mesurables que prennent ces faits lorsqu’ils entrent en contact avec l’espace. Ce contact, selon lui, est tout extérieur, tout superficiel ; l’espace est un symbole commode, au moyen duquel tous les êtres