Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/156

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

diffèrent qu’en degrés, elles ne diffèrent point par leur nature, ou, comme on dirait, par leur forme. Voici un son d’une certaine hauteur et d’un certain timbre ; voici un autre son de même hauteur et de même timbre, mais plus fort que le premier. Évidemment, il n’y a pas entre ces deux sons une différence d’espèce, mais seulement une différence d’intensité.

Voici de la clarté produite par deux bougies d’une nature spéciale ; voici maintenant de la clarté produite par dix bougies identiques aux premières : il n’y a pas entre ces deux clartés différence d’espèce, mais de degré ou d’intensité. Il y a plus de quantité intensive dans un son que dans l’autre, dans une clarté que dans l’autre. Oui, mais qu’est-ce que ce surcroît de quantité qui est venu s’ajouter à un son ou à une clarté ? Évidemment, ce n’est pas une forme qui s’ajoute à une autre forme. Dans le son plus intense, comme dans le son moins intense, il n’y a pas pluralité de formes, pluralité d’espèces : le son plus intense est pour la conscience un son et une espèce particulière de son, comme le son moins intense. De même pour la clarté : il est bien vrai que, dans l’exemple des bougies, ce que chaque bougie ajoute, ce n’est pas seulement une certaine quantité de lumière, mais de lumière définie ayant une certaine nature, une certaine forme ; mais la lumière totale n’en a pas moins pour cela une nature unique, une forme unique. Il n’y a pas en elle plusieurs formes identiques superposées ; on ne comprend pas ce que serait l’addition de formes identiques, d’espèces identiques ; elles ne s’ajoutent pas, elles se confondent, et le seul office de chacune d’elles est de permettre à la quantité d’être qu’elles informaient à part, de s’ajouter, sans altération, à une autre quantité d’être informée de manière