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étoiles sont comme des gouttes de lumière concentrée en un lac de limpidité légère. Toutes les lueurs où scintillent des vies individuelles semblent ainsi éclore de la lumière sans date, sans forme, et presque sans nom. De plus, par l’intervention de l’espace, la lumière n’est pas modifiée seulement par la rencontre des forces individuelles, mais aussi par des relations de distance. Elle est, selon l’éloignement des foyers, forte ou faible, brutale ou douce, tranchante ou rêveuse, c’est-à-dire qu’elle se transforme, et partant qu’elle vit, par sa seule relation avec la quantité. Quand elle pénètre dans un milieu homogène, comme l’air pesant, elle varie selon l’épaisseur de ce milieu, c’est-à-dire selon des lois de quantité, et elle varie alors avec la continuité de la quantité elle-même. Dans notre atmosphère, autour de l’ardent soleil, il y a une zone circulaire de lumière blanche : cette lumière ardente et pâle s’azure par degrés jusqu’au bleu profond du zénith qui, par degrés aussi, redescend au bleu pâle du bas de l’horizon. Dans ces dégradations insensibles de lumière et de couleur, les particularités des forces que rencontre la lumière ne sont pour rien : c’est selon des lois de quantité qu’elle se développe. Dans la propagation de la lumière, dans sa réflexion, sa réfraction, et aussi dans l’aménagement de ses nuances, il y a une géométrie. La lumière vit donc, dans la quantité, d’une vie à elle, indépendante de toute force particulière, éternelle comme la quantité elle-même. Quand les hommes anciens adoraient l’Ether, ils n’adoraient ni la lumière toute seule, ni l’espace tout seul, mais le rayonnement de la lumière dans la quantité et dans l’être, et la vie de l’espace par la lumière. Ils adoraient la splendeur de vie dont la lumière revêt la quantité, et l’indépendance sacrée, l’éter-