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parce qu’elle est la transparence même de l’être universel, elle n’est pas tenue de s’affirmer à tel degré plutôt qu’à tel autre ; elle varie avec les relations et les conflits de l’être universel et des énergies concentrées. Il faut donc, pour qu’elle s’exprime tout entière, pour qu’elle reste à l’état d’idée, qu’elle puisse s’affirmer et se jouer à la fois en rayonnements innombrables et divers, en combinaisons innombrables et diverses d’ombre et de clarté. Il lui faut l’ampleur infinie de l’espace et de l’être pour cette variété illimitée des jours, des nuits, des splendeurs, des crépuscules où éclate sa libre essence.

Il n’y a rien dans la nature de la lumière qui empêche les splendeurs de se mêler au crépuscule en les avivant, les crépuscules d’apaiser les splendeurs, et les jours de se fondre avec les nuits en une sorte de clarté lunaire. Si l’espace ne permettait pas à la lumière d’étaler tous ses degrés, toutes ses combinaisons, si la quantité extensive ne traduisait pas en chacun de ses points la variété des forces diversement affectées par la lumière une, le monde n’aurait jamais à la fois qu’une clarté, qu’une couleur. Notre conscience rapprocherait et confondrait en un foyer unique le rayon qui vient de la rosé et celui qui vient de l’étoile ; ou bien, il faudrait qu’elle portât en elle je ne sais quelle puissance diffuse capable de se colorer en autant de nuances distinctes qu’il y aurait dans le monde de centres distincts de lumière et de couleurs. Mais que serait donc cette puissance diffuse, sinon une certaine quantité d’être indéterminé, et que serait cette correspondance de l’être et de la quantité à la diversité intime des énergies du monde, si ce n’est pas ce que nous appelons l’espace ? J’essaierai de montrer plus tard