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et, au total, de plus insignifiant que leur entreprise. Lotze, dans sa théorie des signes locaux, veut-il simplement nous montrer comment, la forme d’espace étant donnée, nous ne pouvons y distribuer les sensations et les situer, les unes par rapport aux autres, qu’au moyen de signes caractéristiques attachés à chacune d’elles ? Ce n’est plus alors un problème métaphysique, c’est, si l’on peut dire, une simple question de pratique psychologique qui ne nous concerne pas. Mais, parfois, il semble que Lotze, avant de localiser les sensations dans l’étendue, les laisse un moment dans l’inétendu, et alors il ne s’agit plus seulement d’un problème de localisation, mais de la construction même de l’espace. Qu’on le déclare donc, qu’on dise expressément que l’on veut construire l’étendu avec l’inétendu ; si on le dit, une disproportion énorme éclatera entre une pareille supposition et la théorie très arbitraire d’ailleurs des signes locaux. Car le mouvement que fait la rétine, pour porter vers les sensations qui l’affectent son point de vision le plus vif, est un mouvement, et tout mouvement, pour notre conscience, implique l’étendue. Pour localiser, dans le champ de la vision, nos sensations visuelles, nous devons, selon Lotze, percevoir un déplacement de notre rétine vers ces sensations ; mais percevoir un déplacement, c’est-à-dire un changement de lieu, c’est avoir déjà le sentiment de l’espace. Si Lotze l’oubliait, il commettrait la même étourderie que ceux qui, en prétendant expliquer en nous la formation de l’idée d’espace, n’oublient qu’une chose, le sentiment que nous avons de notre propre corps. Il en est de même de Wundt. S’il se borne, par sa synthèse de la sensation proprement dite et du sentiment de l’innervation à expliquer simplement certaines particularités de