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CHAPITRE IV

la sensation et la quantité


Je voudrais donc montrer maintenant que la quantité est essentielle à la sensation. Sans doute, nous n’aurons pas établi par là que la quantité fait partie de l’essence même des choses, qu’elle est présente dans l’intimité même des énergies du monde. Car la sensation peut être considérée comme une manifestation de ces énergies soumise à la loi de la quantité, sans que cela engage nécessairement ces énergies elles-mêmes. C’est ainsi que Leibniz, qui construit le monde avec des éléments inétendus, avec des points de force, ne conteste nullement que la sensation, qui est une expression de ces forces, enveloppe la quantité. C’est ainsi, que, pour Kant lui-même, le noumène qui est hors de l’espace peut cependant, comme phénomène, se manifester dans l’espace.

Pourtant, il ne peut être indifférent de démontrer que la sensation enveloppe la quantité. Les sensations sont des déterminations qualitatives ; il est vrai qu’elles se produisent pour nous sous la condition de l’espace ; mais si la quantité ne leur est pas essentielle, si elles y entrent seulement comme en une forme qui leur est