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viendraient en ligne droite de l’infini ; mais comme l’infini ne serait aucun des points de cette ligne droite, il serait impossible d’assigner un point de départ mathématique à la lumière ou à la chaleur. Je ne prétends pas qu’il y ait là une difficulté absolue, car on peut ad mettre dans un monde éternel un mouvement qui vient de l’infini. Ce mouvement n’ayant point de point de départ mathématique dans la durée, n’aurait pas non plus de point de départ mathématique dans l’espace. Dès lors, les rayons de lumière et de chaleur n’auraient d’autre foyer que l’infini lui-même, et Dieu serait, à la lettre et dans la rigueur scientifique du mot, le soleil primordial. Les rayons de lumière et de chaleur seraient comme des flèches divines lancées à travers l’infini par un arc invisible. Mais alors pourquoi auraient-ils reçu telle direction plutôt que telle autre ? pourquoi, dans l’indifférence absolue de l’espace et de l’éther homogène, auraient-ils choisi tel chemin, plutôt que tel autre ? Ou bien tous ces rayons auraient marché parallèlement les uns aux autres ; et alors pourquoi dans tel sens plutôt que dans tel autre ? ou bien ils auraient formé entre eux des angles et auraient concouru en un certain point déterminé ; mais pourquoi ces angles plutôt que d’autres ? pourquoi ces points plutôt que d’autres ? Ici nous n’avons pas le droit d’invoquer des explications de détail, des explications finies. Car c’est de l’infini même et de Dieu que les rayons de lumière et de chaleur sont supposés émaner directement ; en sorte que c’est l’action directe de l’infini qui apparaît comme arbitraire. Or l’arbitraire, l’inintelligible sont la négation même de Dieu et la lumière, qui, émanant directement de Dieu ne pourrait pas dire pourquoi elle a suivi telle route plutôt que telle autre bien loin de manifester