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une objection plus décisive. Vous supposez l’éther avec certaines fonctions préexistant à la matière, c’est-à-dire à d’autres fonctions. Mais qu’est-ce que l’éther sans la matière ; qu’est-ce que la matière sans l’éther ? D’un côté, c’est par le moyen de l’éther que tous les éléments matériels agissent les uns sur les autres ; et d’un autre côté, tous les mouvements, toutes les déterminations de l’éther sont liés à des mouvements et à des déterminations de la matière. C’est par l’intermédiaire de l’éther que s’exercent les attractions, soit d’un monde à un autre monde, soit d’une molécule à une autre molécule ; or la force d’attraction est proportionnelle à la masse des corps qui s’attirent, c’est-à-dire que toute l’action de l’éther en tant qu’il sert à l’attraction est sous la dépendance de la matière. De même les phénomènes de chaleur et de lumière ne se manifestent jamais dans le monde que nous connaissons qu’associés à un foyer matériel. Ce sont les combinaisons chimiques qui s’accomplissent dans les soleils qui dégagent la chaleur ; et ce sont les fumées enflammées qui rayonnent la lumière. De même les phénomènes électriques et magnétiques semblent toujours avoir pour origine des modifications d’une masse matérielle. Y a-t-il eu un temps dans l’histoire du monde où l’éther tressaillait de tous les mouvements de la lumière et de la chaleur sans qu’il y eût nulle part dans l’espace des foyers matériels ? Il est bien difficile de l’imaginer, car en quel point de l’éther immense et homogène tel mouvement de lumière ou de chaleur eût-il pris naissance ? Il n’y a aucune raison pour que la lumière et la chaleur s’éveillent en tel point de l’éther uniforme plutôt qu’en tel autre. Ainsi, s’il n’y avait pas de foyer matériel, la lumière et la chaleur auraient une origine absolument indéterminée, elles