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rayons chimiques ne diffèrent que par des longueurs de vibration ; et de plus ils sont superposés dans le rayon unique qui vient du soleil ; ils ont la même vitesse ; ils sont soumis aux mêmes lois de réflexion et de réfraction ; ils se transforment aisément les uns dans les autres. Les rayons chimiques sont transformés dans la fluorescence en un spectre complet qui comprend la lumière, et les physiciens inclinent à penser que ce sont les radiations calorifiques qui sont en quelque sorte le fonds primordial sur lequel sont prélevées les activités lumineuses et chimiques. Mais d’abord, s’il y a passage si aisé de l’action calorifique à l’action lumineuse ou chimique et réciproquement, il est difficile d’admettre qu’il y ait eu un moment dans le monde où il y avait de la chaleur sans lumière. Et d’autre part, dans cette facilité de transformation réciproque, la chaleur et la lumière restent cependant des types distincts, même indépendamment de nos sensations. C’est ainsi que la vie végétale a besoin de la lumière proprement dite ; la chaleur obscure n’amène pas le moindre dégagement d’acide carbonique ; les fonctions essentielles de la plante sont impossibles sans la clarté qui brille à nos yeux. C’est un phénomène bien remarquable et bien significatif que cette distinction radicale de la lumière et de la chaleur, qui existe pour nos sens, existe à certains égards pour la vie même des êtres qui n’ont pas de sens. La lumière et la chaleur sont donc aussi distinctes que voisines ; les activités du monde peuvent aller sans effort de l’une à l’autre, mais de l’une à l’autre elles changent d’essence et leur voisinage mathématique, aussi bien que leur diversité métaphysique, semblent exclure l’idée que l’une a pu exister sans l’autre dans certaines périodes de l’univers. À vrai dire,