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il lui suffit d’avoir des barres ; elle peut, en effet, avec des lignes droites, former des angles et tous les polygones ; elle peut, en faisant mouvoir une ligne droite autour d’un point fixe, créer le cercle, et, par des procédés analogues, toutes les courbes et les surfaces, par leur mouvement de rotation autour d’une droite, donneront les volumes. De plus, le procédé infinitésimal permet de passer d’une figure à une autre ; le cercle peut être considéré comme la limite des polygones inscrits. Mais tout cela n’empêche point chaque forme géométrique d’avoir sa loi propre, ses propriétés définies, sa fonction irréductible. Le cercle, engendré par le mouvement d’une droite, n’est commensurable avec aucune droite ; c’est qu’à vrai dire, malgré l’identité des éléments, malgré l’artifice infinitésimal, il n’y a pas continuité absolue d’une forme géométrique à une autre : si la ligne droite engendre le cercle, c’est à condition de tourner autour d’un point, c’est-à-dire de se mouvoir en cercle, et le mouvement de la droite ne produit le cercle que parce qu’il se soumet d’emblée à l’idée même du cercle. C’est donc, en dernière analyse, le cercle qui s’engendre lui-même en utilisant la mobilité de la droite. Par conséquent, il pourra y avoir aussi, entre les formes diverses de mouvements qui correspondent à la pesanteur, à la cohésion, à la résistance, au son, à la lumière, à la couleur, à la chaleur, au frémissement électrique, un passage gradué sans que ces formes de mouvement cessent pour cela d’être des formes distinctes, des fonctions irréductibles de l’absolu. Les différents ordres de sensations expriment donc, par leur diversité, la réalité profonde des choses.

La métaphysique de la sensation n’est donc pas intéressée dans les hypothèses de fait par lesquelles la