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mitée, homogène, partout identique à soi, transparente pour soi. Comme unité absolue, il suscite les centres innombrables d’unité qui sont les forces et les âmes, et comme dans l’infini divin l’être et l’unité se pénètrent, la forme, qui exprime l’organisation et l’individualité, se révèle dans l’universelle identité qui est la lumière : le fin feuillage se dessine sur l’éther sans figure et sans borne, et par lui. En même temps, tous ces centres de conscience, accordés en quelque sorte par la conscience absolue où ils se meuvent, retentissent les uns dans les autres, et échangent, si l’on peut dire, leurs intimités : cet échange des forces et des âmes, extériorisant leur intérieur et se livrant les unes aux autres, c’est le son. Ainsi la lumière est le rapport en Dieu de l’universel et de l’individuel ; le son est le rapport en Dieu des forces et des âmes : c’est bien en Dieu que la lumière et le soi ont leur signification et leur être véritable. C’est donc en lui qu’ils existent ; et dans cette vie toute divine, ils échappent aux déterminations brutes de la quantité. Des mélodies nouvelles, des accents inconnus peuvent jaillir toujours, sans crainte de se heurter soudain à une limite brutale de silence. La lumière et l’ombre peuvent poursuivre leur lutte et leurs combinaisons éternelles : aucune borne n’a été assignée à l’une ou à l’autre ; elles peuvent, dans la profondeur rêveuse des horizons, ou à la rencontre des âmes dans les regards, s’unir en de mystérieuses et indéfinissables nuances que le monde n’avait point vues encore et qu’il ne reverra plus. Ainsi le mouvement, en échappant à la quantité brute, introduit vraiment dans la vie divine ce que nous appelons le monde réel. Les splendeurs des soleils et la douceur des nuits sont exactement, et non point par vaine figure, un reflet de la lumière éternelle ; écoutez