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des combinaisons, des adaptations est possible. Non, c’est parce que, dans le monde, la quantité, toute réelle qu’elle soit, n’a de sens et de valeur que par la forme, et qu’un acte infini déployant l’univers vers un but idéal, la forme de l’univers est l’infini. L’essence de l’univers, sa forme, c’est de manifester, dans l’infinie puissance de l’être, l’activité infinie. Dès lors, ni le mouvement ni l’espace ne peuvent jamais faire défaut ni se récuser. Des profondeurs sans borne et des énergies sans mesure répondent à l’appel de l’infini vivant et ne peuvent pas ne pas y répondre. La somme des mouvements qui sont dans le monde n’est pas une somme, ou si l’on veut, c’est la somme des moyens de Dieu, c’est-à-dire en un sens Dieu lui-même, qui n’est pas un total, mais un infini agissant où la mathématique n’a rien à voir. Il ne faut pas considérer l’univers, avec ses mouvements et ses énergies, comme un budget inépuisable et qui, par un aménagement toujours plus habile, suffirait à un développement infini. Ici, ce ne sont pas les ressources qui mesurent les dépenses, c’est bien plutôt l’infinité même de l’œuvre à accomplir qui suscite l’infinité correspondante des ressources. C’est parce que le monde va vers l’infini de la pensée, de l’amour, de la joie, que la quantité dont il se sert n’a pas et ne peut pas avoir de limite. La mathématique est aux ordres de la métaphysique, et bien que tout mouvement ait une quantité donnée et soit susceptible de mesure, le mouvement dépasse l’ordre de la quantité brute ; il se prête à des équations algébriques, mais celles-ci expriment les relations définies d’un mouvement à un autre mouvement, elles n’expriment pas la relation intime de tout mouvement à l’infini divin. Et à son tour cette relation du mouvement à l’infini n’exclut pas les relations définies de tout