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DE LA
RÉALITÉ DU MONDE SENSIBLE




CHAPITRE PREMIER

le problème et la méthode


Le monde sensible, que nous voyons, que nous touchons, où nous vivons, est-il réel ? La question semblera puérile aux hommes d’action, et je compte parmi eux les hommes de pensée qui acceptent d’emblée les choses pour en étudier sans retard les rapports et l’enchaînement. Ce n’est pourtant pas une dispute d’école, car l’esprit humain s’est interrogé sur la réalité de l’univers bien avant qu’il y eût une tradition scolastique et des raffinements artificiels de curiosité. Parménide, dans la première et simple lumière de la pensée grecque, comparant le monde à l’être, n’y voyait qu’une prodigieuse illusion. Il ne s’agit point, d’ailleurs, de contester la réalité du monde telle que l’entend le vulgaire. Celui-ci croit naïvement à la réalité d’un objet sur les témoignages concordants de ses sens : une pomme que l’on peut voir, goûter, toucher, est une pomme ; et lorsqu’un bâton bien visible et bien palpable lui caresse les épaules, ce sont bien des coups de bâton qu’il reçoit. Aussi, s’imagine-t-il volontiers, lorsqu’on met en question la réalité du monde extérieur, qu’on met en ques-