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partie de l’espace ? Et comment déterminerons-nous sa forme et sa grandeur, sinon par un système de relations qui ressuscite le monde de la forme au moment même où nous prétendions l’absorber, pour le mesurer, dans la quantité pure ? De plus, quel mouvement imprimerons-nous à cette partie de l’espace ? Sera-ce un mouvement rectiligne ou curviligne ? Ici encore il nous faut choisir entre les formes au moment même où il nous faudrait les supprimer. Ainsi la question : quelle est la quantité du mouvement qui est dans le monde ? n’a pas de sens parce qu’elle suppose l’évanouissement de la forme dans la quantité pure, et que, dans la quantité pure, il n’y a pas de mesure, ou plutôt sous la quantité pure, on démêle la puissance de l’être dont elle est le symbole, et cette puissance est infinie. Par là, le mouvement qui réalise cette puissance apparaît aussi comme infini, mais c’est, comme on le voit, d’une infinité métaphysique où l’arithmétique n’a rien à voir. En fait, tout mouvement, quel qu’il soit, quelles que soient sa forme, sa vitesse, sa direction, est infini, puisqu’il donne une forme à une partie de l’être qui, étant homogène et un, est infini dans toutes ses parties. Tout mouvement est donc infini au point de vue de l’être et de la puissance ; il l’est aussi au point de vue de la forme et de l’acte. Car par cela même que le mouvement est essentiellement une forme liée à d’autres formes, chaque forme du mouvement exprime à sa manière le système universel ; l’activité universelle retentit donc en toute action définie, qui est portée par cela même à l’infini.

D’où il suit que la permanence, la fixité de la quantité du mouvement ne s’oppose en rien au progrès indéfini de l’univers. Et ce n’est pas parce que cette quantité de mouvement est inépuisable que le progrès infini