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tique l’être homogène et identique à lui-même, si elle se ramène à A = A, on ne voit pas ce qu’on en peut tirer, et comment le monde pourra se mettre en route avec un bagage aussi creux.

Mais si le mouvement, malgré sa base quantitative, apparaît surtout comme détermination, comme qualité, si son essence est la forme, le problème de la quantité du mouvement autour duquel on a tant discuté perd singulièrement de sa valeur. Il n’est plus permis de se demander si la quantité de mouvement qui est dans le monde est finie ou infinie, car cette question suppose que l’on additionne la multiplicité indéfinie des formes et des directions de mouvements. Or, pour faire cette addition, il faut dépouiller tous les mouvements de leur forme propre, de leur direction propre et les réduire à n’être plus que des quantités abstraites de mouvement. Mais la quantité d’un mouvement ne se mesure que par rapport à un autre mouvement ; nous disons que deux quantités de mouvement sont égales lorsque une forme donnée de mouvement, ayant une quantité donnée, peut se convertir en une autre forme de mouvement, et que celle-ci à son tour peut devenir exactement la première. La quantité du mouvement ne peut donc être mesurée qu’au moyen de la forme, et supprimer la forme de tous les mouvements pour en faire la somme, c’est supprimer toute mesure du mouvement. On pourrait pourtant objecter que tout mouvement se ramenant, comme nous l’avons dit, à un déplacement donné d’une partie d’espace donnée, tous les mouvements peuvent être mesurés et additionnés au moyen d’une unité de mouvement. Mais quelle partie de l’espace choisirons-nous pour en faire le point d’application du mouvement universel, quelle forme, quelle grandeur donnerons-nous à cette