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comme nous l’avons vu, la proposition : la quantité de mouvement reste toujours la même, n’est que l’affirmation de l’infinité homogène de l’être et de l’étendue ; or, comme cette infinité homogène est une suite naturelle de l’idée d’être, dire que la quantité du mouvement reste la même, c’est simplement affirmer l’être ; c’est dire que l’être est. La science ne peut faire de cette affirmation toute métaphysique un usage immédiat, car ce qui lui importe, c’est de savoir que la quantité d’un mouvement donné sous une forme donnée ne se modifiera pas quand ce mouvement prendra une autre forme.

La science cherche à suivre comme à la trace et de forme en forme une quantité de mouvement qui lui a apparu d’abord sous une forme déterminée. Si elle affirme l’être et sa permanence, c’est à travers la précision de la forme, c’est, si l’on peut dire, sous la raison de la forme. Ainsi la science et la métaphysique sont d’accord pour donner à la forme dans le mouvement une valeur de premier ordre, car la métaphysique subordonne la quantité à la forme comme un moyen, et pour la science aussi la quantité persistante n’est qu’un moyen d’enchaîner les formes les unes aux autres. Il est parfaitement vrai que la science aspire à dégager de la multiplicité des formes l’élément quantitatif, mais jamais elle n’opère et jamais elle n’opérera seulement sur la quantité pure. Toute équation algébrique contient des relations définies qui sont déjà la forme préfigurée dans la quantité. Et quand bien même l’univers pourrait être ramené un jour par voie d’analyse à ce fameux axiome unique et éternel dont M. Taine a parlé, cet axiome serait une forme première du mouvement. Car si la première équation algébrique d’où le monde doit se développer se borne à traduire en langage mathéma-