pour la Révolution française : si les idées des penseurs du dix-huitième siècle n’avaient pas pénétré jusqu’au fond du peuple, si elles n’avaient pas mis en mouvement le ressort populaire, la Révolution n’aurait pas été accomplie. Et le peuple, un moment, vit plus clair que la bourgeoisie pensante elle-même, car. tandis que celle-ci s’épuisait à fonder sur une démocratie soulevée la monarchie constitutionnelle, le peuple, avec sa sûre logique, poussait droit à la République ; c’est-à-dire que sa pensée allait d’emblée jusqu’au fond même de la Révolution. Mais, parce qu’il avait les passagères exaltations et non la fermeté de la pensée continue, il n’a su garder la Révolution ni des violences et des excès où elle a été entraînée par une minorité, ni du despotisme où elle a été précipitée par une défaillance presque universelle de la conscience et de la raison. C’est ainsi encore que le peuple a laissé la Révolution de 1830, faite par lui, lui échapper.
Aujourd’hui même, dans ce phénomène étrange et double qu’on appelle le boulangisme, que voyons-nous ? D’une part, dans le peuple, une aspiration juste, sincère, énergique, vers un ordre politique et social meilleur ; d’autre part, dans ce même peuple, une insuffisance et comme une chute dépensée qui lui fait livrer à ses pires ennemis, les démagogues viveurs effrontés et césariens, ses plus chères espérances.