le paysan ne l’acquiert pas. Prenez la Champagne pouilleuse : elle appartient presque tout entière à de petits propriétaires. Prenez au contraire la Champagne grasse : elle est presque tout entière aux mains de gros propriétaires et de capitalistes.
Mais cette raison ne suffirait pas. Ce qui explique mieux que tout le reste la survivance dans l’Ouest de la grande propriété et des grandes influences territoriales, c’est l’antique et fine culture d’esprit des gentilshommes de la vallée de la Loire. La plupart des nobles et des hobereaux de province, quand ils ne furent plus des soldats, quand la fin des guerres civiles et religieuses du seizième siècle leur eut fait tomber l’épée des mains, apparurent ce qu’ils étaient au fond, c’est-à-dire des rustres. Il suffit, pour comprendre la différence intellectuelle qui séparait la plupart d’entre eux de la noblesse de la vallée de la Loire, de comparer leurs castels vulgaires et grossiers à la merveilleuse collection des châteaux de la Loire. Dès lors, cette noblesse provinciale inculte se divisa en deux parties : l’une resta dans ses terres, s’engourdit dans son ignorance et sa présomption, tandis que la bourgeoisie s’éclairait, s’animait et montait. L’autre, attirée par Louis XIV, se précipita à la cour, s’éblouit aux splendeurs inconnues du Louvre et de Versailles, attrapa tant bien que mal un peu d’élégance et de savoir mondain, et, pleine de dédain pour les mœurs