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alliance véritable il y a loin. Comme M. John Lemoinne ne cesse de le répéter, on ne conçoit guère un contrat ferme entre la démocratie française et l’autocratie russe. Je dis plus, un tel contrat serait pour nous très onéreux. La Russie sait très bien que nous n’attaquerons point ; l’appui qu’elle nous prêterait serait purement défensif. Savons-nous au contraire si la Russie, au gré de ses intérêts propres dans les Balkans, n’attaquera point ? Ainsi une alliance ferme avec la Russie aurait sans doute pour premier effet de nous apporter la guerre à l’heure que nous n’aurions point choisie et à propos de quelque Bulgare. Au moment de l’affaire Schnœbélé, la Russie, qui ne se souciait point de se commettre pour nous, disait à nos ministres : « Prenez garde, messieurs, on ne se bat pas pour un commissaire. » — Peut-être nous serait-il permis de dire aussi : « On ne se bat point pour ou contre le prince Ferdinand. »

Donc, ne cessons point de nous appartenir à nous-mêmes. L’heure viendra où la revanche des démocraties pacifiques sur les autocraties militaires sera la revanche de la France libre sur les iniquités bismarckiennes.