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de Spinoza et de Hegel, à concilier la conception naturaliste et la conception idéaliste du monde ; et si je ne souscris pas à ce spiritualisme enfantin et gouvernemental que Cousin, dans sa deuxième manière, avait imposé un moment à l’Université, je n’accepte pas davantage comme une sorte d’évangile définitif ce matérialisme superficiel qui prétend tout expliquer par cette suprême inconnue qui s’appelle la matière ; je crois, messieurs, que quelques explications mécanistes n’épuisent pas le sens de l’univers, et que le réseau des formules algébriques et des théorèmes abstraits que nous jetons sur le monde laisse passer la réalité comme les mailles du filet laissent passer le fleuve.

Je n’ai jamais cru que les grandes religions humaines fussent l’œuvre d’un calcul ou du charlatanisme. Elles ont été assurément exploitées dans leur développement par les classes et par les castes ; mais elles sont sorties du fond même de l’humanité, et non seulement elles ont été une phase nécessaire du progrès humain, mais elles restent encore aujourd’hui comme un document incomparable de la nature humaine, et elles contiennent, à mon sens, dans leurs aspirations confuses des pressentiments prodigieux et des appels à l’avenir qui seront peut-être entendus.

Voilà, ce me semble, dans quel esprit, qui n’est pas l’esprit nouveau, mais l’esprit de la science elle-même