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esprit au contact de la haute science et qu’ils apportent ainsi aux enfants du peuple cet enthousiasme du vrai sans lequel l’homme n’est qu’un automate. Nous voulons assurer à tous les travailleurs manuels assez de bien-être et de loisir pour qu’ils puissent et veuillent vivre de la vie de l’esprit, s’initier aux grands résultats et aux grandes méthodes de la science. Nous voulons que les praticiens et les chefs techniques du travail : médecins, chirurgiens, ingénieurs, chimistes, ne s’engourdissent pas dans la routine professionnelle, et qu’ils rattachent sans cesse leur métier ou leur art aux principes qui le dominent et le vivifient. Nous voulons que toute existence humaine, allégée des misérables soucis mercantiles ou des terribles angoisses de la lutte pour la vie, soit une éducation continue, un incessant apprentissage du vrai. Voilà vraiment le culte nouveau. Et à ce nouveau culte libre et humain, vingt foyers de haute science, disséminés sur tout le pays, suffiraient à peine.

Que cette ambition paraisse chimérique à une société qui trouve tous les ans 2 milliards et demi pour les dépenses de guerre ou pour le service de la dette monarchique, et qui croit avoir fait un grand effort quand elle inscrit 10 millions de dépenses nettes à son budget pour le haut enseignement de tous les esprits, nous le concevons sans peine. Mais ceux-là seuls qui se laissent au moins tenter à notre rêve, s’ils ne le suivent pas