Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/171

Cette page a été validée par deux contributeurs.

humanité ; il ferait rétrograder l’espèce humaine au delà même de la sauvagerie, où il y avait quelque vérité, c’est-à-dire quelque mutuelle assistance.

Ainsi, de tous nos devoirs, et des plus familiers en apparence, comme la propreté et la sobriété, il faut toujours donner les raisons les plus hautes, celles qui font le mieux sentir la grandeur de l’homme.

Par là, tous les enfants de nos écoles auront le sentiment concret et précis de l’idéal. Il semble, d’abord, que ce soit là un mot bien ambitieux pour nos écoles primaires et bien au-dessus de l’enfance. Il n’en est rien : l’âme enfantine est pleine d’infini flottant, et toute l’éducation doit tendre à donner un contour à cet infini qui est dans nos âmes. On le peut, et les observations de madame Kergomard ont été, ici, particulièrement précises et pénétrantes. L’enfant sait très bien, par exemple, qu’il ne faut pas mentir ; il sait que mentir toujours est abominable, que mentir très souvent est honteux, que ne mentir presque jamais est bien : et si on ne mentait jamais, jamais, jamais ? ce serait la perfection, ce serait l’idéal. De même, si on ne cédait jamais à la colère, si jamais on ne médisait, si jamais on ne jalousait, si jamais on ne s’abandonnait à la paresse ou à la convoitise. On peut donc conduire l’esprit de l’enfant jusqu’à l’idée de la perfection absolue, de la sainteté.