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beauté et de l’inviolabilité de la loi ? — Il le faut pourtant, il faut oser, avec modestie, mais sans trouble. La majesté et l’autorité de la loi morale ne sont point diminuées, même en nous, par nos propres manquements et nos propres défaillances : et pourvu que nous sentions en nous une volonté bonne et droite, même si elle est débile et trop souvent fléchissante, nous avons le droit de parler, aux enfants, du devoir.

Au reste, les maîtres de nos écoles, dans leurs obscures et pesantes fonctions, ont bien souvent, et tous les jours sans doute, l’occasion de se soumettre librement au devoir : quand ils se sont sentis obligés à l’exactitude, à la préparation minutieuse des leçons, à la correction consciencieuse des cahiers, en dehors de tout calcul et de tout espoir de récompense, quand ils ont réprimé un mouvement d’impatience et lutté contre la fatigue et l’énervement pour élever l’enfance dans une douce égalité d’humeur et dans une lumière sereine, quand, se croyant méconnus, ils n’ont rien perdu de leur zèle, — ils ont accompli la loi par respect pour la loi, ils ont été les libres serviteurs du devoir, ils se sont élevés à lui, et ils peuvent s’y fixer par la pensée, même s’ils n’y restent pas invariablement attachés par la conduite ; et, alors, ce n’est pas nous qui parlons, c’est le devoir qui parle en nous, et par nous, qui n’y sommes pas tout à fait étrangers.

Kant a dit qu’on ne peut prévoir ce que l’éducation