Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/140

Cette page a été validée par deux contributeurs.

prononcée par le pape devant les pèlerins ouvriers est, sinon un désaveu, au moins un affadissement de l’Encyclique. Dans l’Encyclique, le pape, tout en déterminant l’action légitime de l’État, reconnaissait que l’État peut et doit intervenir pour rétablir l’équilibre en faveur des faibles. Il disait même formellement : « L’État doit être la Providence de ceux qui travaillent. » Et, en fait, ceux qui veulent aboutir à des réformes effectives ne peuvent pas se passer du concours de l’État, c’est-à-dire de la force collective mise au service de la justice. Comment, en effet, un industriel pourrait-il réduire à huit ou neuf heures la journée de travail, si les autres industriels, ses rivaux, exigent douze ou quatorze heures de travail ? C’est ce que M. de Mun a démontré fort souvent, avec autant de force que d’éloquence, lorsqu’il demandait aux Chambres l’intervention du pouvoir législatif. Et le pape, dans l’Encyclique, lui avait donné raison. Il voulait que la loi intervînt pour fixer un minimum de salaire et pour donner sanction légale aux décisions corporatives réglant la journée de travail. L’Encyclique était une combinaison du régime corporatif et du socialisme d’État.

Aujourd’hui, au contraire, le pape, dans son allocution aux pèlerins, laisse absolument dans l’ombre l’État et le socialisme d’État, et il semble bien qu’il ne fasse plus appel qu’à l’initiative des catholiques.