étaient mieux senties et mises en valeur, dans le genre
de vie pratiqué aux derniers siècles. La première partie
du nôtre avait encore conservé la trace de ces soirées
régulières où l’on se réunissait pour deviser, sans autre
souci que le plaisir de la conversation, auquel chacun
contribuait de son mieux. Toutefois, la fréquence, la périodicité
de ces réunions servaient et voilaient les inclinations
naissantes au moment décisif: l’instant où le
fruit se noue, dirait un jardinier.
Berryer, aimant uniquement la société des femmes, se
plaisait fort dans un semblable milieu. Donnant de l’esprit,
par sa manière d’écouter, à celles qui lui parlaient,
il prouvait sans cesse qu’un habile causeur tire de son
partner le même parti que le virtuose du plus médiocre
instrument. Sensible à tous les charmes, il se trouvait
singulièrement exposé à ces amours fractionnés qui le
rendaient plein de séduction quand il était stimulé,
quand il subissait l’entraînement causé par la présence
de la personne aimée.
Sa femme parlait plaisamment de ces règnes éphémères
et mettait une certaine vanité à prétendre n’être
jamais prise pour dupe, à connaître, avec plus de précision
que l’époux lui-même, ses bonnes fortunes et l’état
de son coeur.
Je résolus, en arrivant à la campagne, d’avouer à
Mme Berryer, en répondant à d’affectueux reproches, le
motif de mon retard: l’appréhension de me trouver parfois
de trop ; aussi, lorsqu’elle,m’eut accompagnée dans
mon appartement accoutumé, la chambre du Prince,
ainsi désignée parce que, du temps de la Fronde, le
prince de Condé y avait pris abri une nuit, je m’excusai
près d’elle en disant que l’idée de jouer le rôle importun
de tiers m’était odieuse.
« Je vous ai vingt fois répété, s’écria d’un ton impatient la châtelaine, que le monde était dans l’erreur, à l’égard