SOUVENIRS DE Mme C. JAUBERT.
1840, seront propices, à ce genre d’étude ; c’est là qu’il
fallait voir le grand orateur, goûtant bourgeoisement les
joies quotidiennes du propriétaire nouveau, et recevant
ses visiteurs avec la distinction et l’aisance d’un seigneur
châtelain par droit d’héritage. Ce mélange des temps
passés et du présent, cette double face de l’esprit se dessinaient
d’une façon tranchée chez Berryer. Ainsi les
goûts les plus aristocratiques s’alliaient chez lui aux idées
libérales. L’indépendance du caractère se prêtait à une
soumission religieuse, absolue. Sa fierté plébéienne était
au service de l’autorité monarchique. Le physique même
rappelait cette nature complexe d’une taille moyenne,
les épaules larges et la poitrine bombée ; le col fort,
comme il appartient à l’organe puissant de l’orateur cet
ensemble au premier abord nuisait peut-être au caractère
de distinction d’une très belle tête. Mais, si Berryer
parlait, tout en lui s’ennoblissait. A la tribune, il semblait
grandir. L’on demeurait frappé de la puissance que
ce geste simple et sobre, cette physionomie fière et mobile,
cette voix sonore et vibrante exerçaient autour de
l’orateur.
Une fois admis comme hôte, on jouissait au château
d’Augerville d’une entière liberté d’action, de parole et
même d’omission. Ce dernier point peut être regardé
comme la pierre de touche des maîtres de maison.
Mme Berryer, dans son rôle un peu effacé, pleine d’indulgence,
secondait son mari, ne s’imposant que par
d’aimables attentions.
Lorsque des visiteurs attendus venaient à manquer de parole, ainsi qu’il arrive fréquemment quand une vingtaine de lieues vous séparent de Paris, on ne passait pas le temps à les regretter. On ne jouirait que mieux, savaiton, de la compagnie du châtelain. C’est alors qu’il exerçait cet art merveilleux d’éveiller l’intérêt, de piquer la curiosité, de paraître confiant, expansif, sans toutefois