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Sontag, la Pisaroni, ou la diva Pasta, que, par une sorte d’imitation, tenant à la vivacité du souvenir, le geste, la physionomie et la voix du chanteur nous indiquaient.

Les heures pour Berryer s’écoulaient ainsi délicieusement. Souvent quelque anecdote surgissait, qui, comme un point d’orgue, suspendait l’exercice vocal. Cette fois, ce fut en feuilletant l’opéra du Barbier, que tout à coup son séjour à Bade en 1836 et sa rencontre avec la charmante Sontag, devenue comtesse Rossi, lui revinrent en esprit.

Sur un théâtre de société, on voulait représenter une .pièce de Scribe, les Premières Amours. Or, la Sontag ne consentit à remplir le rôle de jeune première que si, à son tour, le grand orateur se laissait enrôler, en acceptant celui de père noble. Le traité fut conclu, et, lors de l’exécution presque impromptue de l’œuvre, le seul reproche qui se pût adresser à Berryer, qui avait joué, assurait-on, avec un naturel exquis, était d’avoir donné à son rôle certain caractère qui troublait le spectateur. On arrivait à confondre parfois le père et l’amoureux, tandis que, précisément, le jeune premier, lui, remplissait son rôle d’une façon toute paternelle.

Il y a dans la pièce une situation où, pour conquérir son consentement au mariage, la jeune fille demande à son père ce qu’elle pourrait faire pour lui plaire. Une délicieuse surprise avait été préparée au public. D’accord avec l’orchestre, Berryer tira de sa poche une feuille de musique, qui n’était autre que la cavatine du Barbier de Séville. En reconnaissant la ritournelle, les spectateurs éclatent en transports. La cantatrice, après une courte hésitation que le père sut faire cesser, entama une fois encore cet air d’una voce poco fa, qui lui avait valu tant de succès scéniques.

« Oh ! que j’aurais aimé être là ! s’écria Mme de T. jouir de ces accents, et surtout... voir jouer ce père qui