ceinture d’anciens fossés, avivés par une eau courante,
entoure le château, laissant sur une des façades l’espace
d’un parterre. Le parc semble un fragment soustrait à la
forêt de Fontainebleau. De beaux rochers, non artificiels,
sont réunis par de légers ponts en bois, et varient
le paysage. Là-haut, ;de grands pins d’Italie vous offrent
leur ombrage. Dans le bas, de jolies allées coupées dans
les taillis sont favorables aux courses à cheval et aux
voitures légères.
Berryer aimait beaucoup cette dernière façon de parcourir
sa propriété. Je l’ai vu parfois s’arrêter, me confier
les rênes, descendre, se coucher par terre, pour
découvrir si un semis de chênes commençait à montrer
ses pointes vertes. C’était plaisir de le voir ainsi ; tout
cela se faisait con amore, avec l’allure d’un homme qui
n’a d’autre souci que l’heure présente. Il taillait belle
part aux affaires, sans empiéter sur les plaisirs. Que
d’habileté dans cette distribution ! Rien ne demeurait en
souffrance, tout était prévu ou conjuré. Les procès et
les clients, la politique et la Chambre, rien ne devenait
entrave. L’amour même, qui, dans sa vie, jouait un rôle
important, se conciliait, par une volonté dominatrice,
avec ses plaisirs d’amitié. Il se dédoublait, se multipliait,
et par un charme réel, une fois présent, il était tout à
vous. Quel attrait piquant dans ce laisser-aller apparrent!
Ce gaspillage du temps devenait un véritable luxe,
une prodigalité.
Qui jamais l’a entendu s’enquérir de l’heure ? Désobligeante question ! Toutefois il était d’une scrupuleuse exactitude, base indispensable des rapports de société. Jamais lettre ou billet ne demeurèrent sans réponse, et la correspondance prenait immédiatement un tour personnel, flatteur pour l’absent. J’insiste sur ces traits de caractère qui expliquent la solidité des relations d’amitié ; on ne pouvait y renoncer.