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l’Histoire des Papes, le chevalier Artaud, devint la véritable victime. Dans le saisissement que lui causa cette chute, il avait lâché son lorgnon qui, tombé dans la rivière, suivit le fil de l’eau sans se laisser repêcher. Myope au superlatif, en prenant pied à terre, il ne pouvait plus se diriger. Je lui tendis une main secourable, tandis que la naïade s’appuyait sur le bras du châtelain.

De retour au château, tout le monde à la fois se plaisait à raconter l’aventure à Mme Berryer. Pour combattre les effets du refroidissement chez la baigneuse et de l’émotion chez les rameurs, Rikomski réclamait du vin chaud.

Mme Berryer s’occupait avec bonté de mettre la comtesse à l’abri d’un rhume, et de remplacer le lorgnon du chevalier Artaud. Elle ne put se procurer que des lunettes. Or, notre chevalier parfumé, avec des habitudes de coquetterie ayant quarante ans de pratique, ne consentit pas même à les essayer.

Mme de T..., cause de ce désagréable incident, expédia à l’instant même un domestique à Paris, et le lendemain matin, en se mettant à table, M. Artaud, sous sa serviette, trouva un charmant lorgnon. On peut imaginer tout ce que, sur ce thème, suggéra une galanterie cultivée en cour de Rome, où, longtemps, M. le chevalier avait fait partie du corps diplomatique.

La comtesse avait décidé cette même matinée de demander au maître de céans de faire avec elle une promenade en tilbury, sentant qu’il fallait racheter par quelque bonne grâce sa fantaisie aquatique de la veille. Pendant qu’elle disposait sa toilette, on entendit une voix retentissante appelant Pinson, le garde-chasse. Alors il s’établissait, entre maître et serviteur, de longs dialogues au sujet des eaux et des bois, toujours pleins d’intérêt.

Cette campagne d’Augerville plaît et attache. Une