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—Ce que je sais, moi ; fit Rikomski, affectant une voix timide, en sortant d’un angle obscur du salon, c’est que je n’ai jamais voulu mettre les pieds à l’Abbaye-auxBois. Fi donc ! moi, homme, figurer dans cette réunion de refusés ! »

Cette bouffonnerie parut goûtée par le marquis de Talaru, qui, gaiement, déclara qu’il se ralliait tout à fait au sentiment de M. de Richomme. Puis se levant, il baisa la main à la maîtresse de la maison, nous souhaita un aimable bonsoir, et se hâta, voulant le soir même coucher chez lui au château de Chamarande.

Après avoir mis son hôte en voiture, le châtelain rentra au salon, où il me trouva racontant comment le hasard m’avait favorisé autrefois d’une rencontre avec la première femme de M. de Talaru. Lorsqu’elle avait convolé en secondes noces avec lui, elle était veuve de M. de Clermont-Tonnerre, charmante, quoique plus âgée que le nouvel époux. C’était une créature originale, singulière par ses habitudes et les allures d’ancien régime qu’elle conserva quand même.

Unjour d’été à la campagne, dans une matinale promenade à cheval, j’aperçois un lourd carrosse traîné par de vieux chevaux, conduits par un cocher dont le tricorne couvre des cheveux blancs simulant la poudre. L’équipage venait à nous dans une allée étroite, mon écuyer m’engage âme ranger de côté. Au même instant, reconnaissant un de ses voisins dans le cavalier qui m’accompagne, la marquise de Talaru, car c’était elle. abaisse une glace et me laisse voir une sorte de petite fée mignonne, taille de guêpe, demi-paniers, robe de soie en pékin rayé bleu et saumon, dont le corsage, ouvert très bas, laissait voir des appas respectés par le temps. Un rang de perles énormes étranglait le col, tandis que les cheveux dressés et poudrés à frimas, ornés de barbes en dentelles retroussées, découvraient un