«Vous voulez donc corriger Racine, criai-je ? Dites un
fil, mademoiselle, un fil, vous entendez ? » Et je mettais
le livre ouvert sous ses yeux. Elle répondait alors du
plus grand sang-froid:
« Comment prétendez-vous qu’un fil me rassure ? Non,
monsieur, à la bonne heure, un fils! »
« En scène, le soir suivant elle refaisait la même faute,
et le public, hélas ! ne s’en apercevait pas! »
L’anecdote eut du succès. M. de Talaru parla ensuite
de la tragédie échouée du vicomte de Chateaubriand,
chute si plaisamment contée depuis, dans les Mémoires
d’outre-tombe. On lisait alors des fragments de l’oeuvre
destinée à la race future, chez Mme Récamier, aux élus
de l’Abbaye-aux-Bois. Ceux-ci en parlaient avec enthousiasme,
ajoutant à la satisfaction avouée, celle secrètement
ressentie d’exciter l’envie de ceux qui étaient demeurés
à la porte du sanctuaire. Le marquis de Talaru
s’enquérait avec curiosité du jugement qui serait porté
plus tard sur cette publication.
Berryer exprima l’opinion que l’exactitude y ferait
défaut. Allant du connu à l’inconnu, il redoutait la prédominance,
dans le récit des faits, de l’imagination sur
la réalité, et à l’appui, il cita ceci:
« En 1833, lorsque toutes les passions étaient éveillées par l’arrestation et l’emprisonnement de Mme la duchesse de Berry, la naissance de l’enfant, toutes les circonstances politiques et romanesques résultant, de cette situation, le vicomte de Chateaubriand fut désigné, concurremment avec moi, comme défenseur de la princesse. Ma plaidoirie eut un. tel succès, que M. le vicomte refusa net de prendre la parole, disant, avec une vive émotion, qu’il ne voyait pas un mot à y ajouter. Mais dans ses Mémoires, je sais pertinemment qu’il raconte, au contraire, qu’après avoir entendu son plaidoyer à lui, le jury vota sans hésiter. Or, j’ai précisément une lettre,