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parlant des ruines de Ninive, et cherchant à en donner une juste idée, nous invite à les comparer avec celles de Babylone!

En me rendant à Augerville, c’est à tort que j’avais redouté que le cercle ne fût restreint. A peine y étais-je qu’un groupe de légitimistes se présentait. Le plus important d’entre eux était le marquis de Talaru. Ancien ambassadeur, considérable par sa naissance et sa fortune, d’un très noble caractère, dans les conciliabules du parti ultra, il se plaçait toujours, ainsi que le duc de Fitz-James, le comte de la Ferronnays et le baron de Vitrolles, du côté de Berryer appuyant ses avis, et reconnaissant son autorité, sans cesse contestée par des hommes incapables, bouffis d’orgueil, qui voulaient, se haussant sur leurs généalogies, écarter ce simple avocat, qu’ils ne pouvaient admettre comme chef du parti royaliste. Quelle force leur apportait-il ? Rien, que son talent! Ils abreuvaient de dégoûts l’illustre député. Sa femme, dans la répugnance que lui causaient ces réunions politiques, n’avait que trop raison. Elle s’irritait à l’idée que l’on discutait mesquinement, ce jour-là même, les moyens de conserver à son mari les droits à la députation, après l’avoir arraché au barreau, source honorable et certaine de fortune. Cette fierté était bien placée, et les vrais amis (le Berryer souhaitaient de lui voir suivre la ligne de conduite que lui indiquait sa femme. Ce retour au Palais de Justice, elle l’obtint plusieurs fois, Aussitôt les clients d’accourir. Tant de plaideurs réclamaient ce puissant talent! Mais, comme l’amertume de l’absinthe, les amertumes de la politique sont, paraît-il, attractives et enivrantes ; on n’y saurait renoncer.

Ce fut la cloche du dîner qui mit fin au conciliabule légitimiste ; et la bonne grâce avec laquelle le maître de la maison fit les honneurs de sa table ne gardait aucune trace des ennuis de la séance.