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SPÉCULATIONS

rangs une hilarité préjudiciable à la discipline. Nous croyons voir, non sans douleur, dans la décision du conseil une rupture avec les saines traditions françaises : la plus nationale, le rire, disparût-il de l’univers, semblait s’être réfugié dans l’armée, comme le témoignent Dumanet et Ramollot, ces grandes figures. La meilleure preuve de leur valeur comique est celle-ci, qu’elles désopilent précisément des hommes sous la menace perpétuelle d’un code dont les moindres articles concluent à la peine de mort ou à la salle de police. Nous pensions que c’était là une belle école de courage, et que si tel chef permettait que sa tournure ou ses discours prêtassent à quelque sourire, il le faisait à dessein, pour apprendre à ses subordonnés à affronter le péril ce sourire sur les lèvres. Les Grecs, à la guerre, emmenaient Thersite. Mais il paraît, d’après l’arrêt nouveau, qu’en France désormais il en sera autrement. La joie que des supérieurs procuraient à leurs hommes était donc involontaire : nous ne nous en étions pas douté. L’arme, à l’avenir, sera portée ou présentée avec gravité. Mais voyez-vous par exemple deux militaires se livrant à cet exercice sans perdre leur sérieux quand leur caporal ponctue son commandement d’une de ces phrases que le soldat entend tous les jours, comme celle-ci, immortelle, qu’illustra Charly : « Vous faites là un joli trio, tous les deux ! »