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SPÉCULATIONS

plus être confondu avec le lys, dont le mutisme et l’inertie sont célébrés dans l’Évangile : car il s’en différencie par son chant. Au sujet de ce chant, la plupart des naturalistes, sans en excepter Pline ni Buffon, se sont plu à émettre de graves absurdités. Pline (X, xxxii, 1) déclare en termes brefs que ce chant tant glorifié par les poètes n’a pas lieu, d’après ses expériences. Buffon, de même, le classe parmi les fables. Pourtant, il donne une copieuse description des deux coudes dont s’incurve la trachée-artère de l’animal. Selon Willughby, cette inflexion double n’appartiendrait qu’au cygne sauvage (cycnus musicus). Pourquoi elle s’atrophie chez le cygne commun (cycnus olor), domestique et sédentaire, notre théorie l’élucide. Les auteurs qui, jusqu’à présent, ont cru traiter du chant du cygne n’ont examiné que son cri.

Cette trachée repliée deux fois réalise le même dispositif que les organes vocaux du tramway sauvage et de l’automobile, et comme eux elle ne peut produire qu’une note. En vain l’abbé Arnaud l’a-t-il excitée à la modulation par l’exemple de son violon. « Strideur, accent de menace ou de colère », témoigne Buffon. Il nous est arrivé à tous de fuir quand une interjection analogue traduisait l’état d’esprit, voisin de la fureur, de l’omnibus. Il est aisé de déduire que le cri du cygne tend à une seule fin, faire ranger les autres êtres vivants sur son passage. À cet