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LES SILÈNES

chien céleste, mange ! (Le Diable se rebiffe plus fort. Entre un serviteur).

Le Serviteur. — Une jeune et jolie dame, Russe à en juger d’après son costume, vient d’apparaître, on ne sait comment, sur le seuil de la grande porte.

Le Diable (jubilant). — Oh, c’est ma grand’mère ! C’est sûrement ma grand’mère ! Elle a mis une robe russe en fourrure de crainte d’attraper froid.

Mort-aux-Rats. — Vous vous trompez, Monsieur le Diable ! Le serviteur n’a pas parlé de votre grand’mère, mais d’une dame encore jeune et belle.

Le Diable. — Espèce d’imbécile ! Comme si ma grand’mère était vieille et laide ! Ne sais-tu donc pas que nous autres, immortels, demeurons éternellement jeunes ! Si je suis devenu néanmoins vieux et ridé, c’est le tout particulier souci que je me suis fait au sujet de la découverte de hannetons qui en est cause. (La grand’mère du Diable, une florissante jeune femme en tenue d’hiver russe, entre et salue la compagnie avec une révérence muette).

La grand’mère du Diable. — Maître d’École, relâchez mon petit-fils et demandez pour cette complaisance le prix qui vous conviendra.

Le Maître d’École. — Je demanderai donc, Excellence, qu’il veuille bien me donner la patte.

La grand’mère du Diable. — Donne la patte.

(Le Diable tend la patte et le Maître d’École ouvre la cage).

La grand’mère du Diable. — Voici, cher petit-fils ! Sois content ! Le ménage à fond est terminé en Enfer ! Tu peux tout de suite rentrer avec moi ; le café bouillant fume déjà sur la table pour te réchauffer.

Le Diable. — Voilà qui est parfait, grand’mère, par-