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LES SILÈNES

Le Baron (qui s’irrite un peu tard). — Vaurien, il va falloir que tu leur donnes à manger. (Il sort).

Liddy. — Mon oncle, mon oncle, où allez-vous ? — Il n’entend pas et descend précipitamment l’escalier ! Et il n’y a même pas de lumière dans cette sombre pièce !… Mort-aux-Rats, où êtes-vous ?

Mort-aux-Rats (d’une voix angoissée). — Je, Mademoiselle, je…

Liddy (sursautant). — Ciel, qu’était-ce ? Quel bruit sur le plancher !

Mort-aux-Rats (tremblant). — Ce n’était sans doute qu’une souris qui passait !

Liddy. — Ah, je tremble presque devant mon propre souffle ! Jamais encore je n’avais eu si peur ! — Enfin voici mon oncle avec de la lumière.

Le Baron (très agité et portant une lumière à la main). — Mort-aux-Rats, montrez-moi votre visage. (Après l’avoir regardé à la lumière). Non, vous n’êtes au courant de rien ! Je vous reconnais innocent.

Liddy. — Au nom de tous les saints, que signifie cela ?

Le Baron. — L’hôte n’est qu’un traître, ma nièce ! Il a laissé pénétrer dans la maison toute une tourbe de canailles et refuse de me rendre mon cheval.

Liddy. — Jésus ! Nous sommes perdus. (Elle s’écroule sur une chaise).

Mort-aux-Rats (désespéré). — Perdus, perdus !

Le Baron. — Et si ces bandits ne guignaient que notre argent, mais c’est à toi qu’ils en veulent, Liddy ?

Mort-aux-Rats. — Oh ! s’il s’agit de cela, Liddy, sauvez notre vie, sauvez notre vie ! Nécessité ne connaît pas de lois ! Si vous pouviez rencontrer le chef de la troupe