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LES SILÈNES
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pénétré. Ma compagne hambourgeoise se livra à de semblables pratiques sur les Sirènes, et fut par elles pareillement maniée ; sa tribaderie ne connaissait plus de mesure et elle n’eut de cesse que chaque Sirène n’eût mouillé. Aussi le sperme salé de ces ondines altéra-t-il à tel point la gougnotte que sa soif n’a pu être étanchée depuis, ni par le vin, ni par l’amour saphique.

(Monroc, Mort-aux-Rats et Théophilot se branlent).

Le Maître d’École. — Hé, Monsieur Monroc, pourquoi donc les yeux de Mort-aux-Rats se brouillent ?

Mort-aux-Rats, (pressant dans son ivresse le Maître d’École sur sa poitrine). — Pulvérise-moi, foule-moi aux pieds ! Je suis un ver, je suis un pauvre niais ! Mes poèmes n’ont aucune saveur, mes pensées aucun sens ! Je suis un ver, infiniment petit ! Jette-moi dans le bourbier, jette-moi dans le bourbier !

Le Maître d’École, (buvant toujours et toujours de plus en plus saoûl). — Ne pleure pas, petit Mort-aux-Rats, et parle bas, pour que le veilleur de nuit ne t’entende ! Tu es dans la rage ! Ton cœur redonde ! N’est-ce pas ainsi Monroc ?

Monroc (enlaçant le Maître d’École). — Ô ma Liddy, ma Liddy !

Le Maître d’École (faisant la prude). — Ne chiffonne pas mon corsage, mon cher Karl ! (Désignant Théophilot qui a vidé une bouteille et sort de son coin en titubant). Mais cachez-vous, ami très cher, cachez-vous ! Là-bas, voici revenir mon père !

Monroc. — Tu es bien un peu soûle, Liddy.

Le Maître d’École. — Plus bas, Karl bien-aimé ! J’ai jeté un regard un peu trop profond dans le verre !

Mort-aux-Rats (s’abattant sur le sol). — « Insensé, tu chantes et je dois partir ! » (Il s’endort).