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LES SILÈNES

ont honoré chez leurs garçons d’étuves et leurs coiffeurs. Ah ! plaisirs, plaisirs divins à côté desquels toute jouissance aujourd’hui m’est fade, nostalgie, nostalgie du cul rose de la sirène, quand sa queue lourde et mouillée me battait les flancs…

La deuxième, Sirène blonde, me pompa avec une science telle que les distractions dont parle Forberg me paraissent maintenant une rigolade de collégien naïf. J’abusai des sept Sirènes, chacune à son tour, m’offrant qui sa bouche, qui ses fesses, qui sa motte, qui ses aisselles, qui ses pommes d’amour, qui sa main, qui sa queue. Par les Sirènes, ma pine fut sucée, prisonnière, arme blanche, bercée par les aisselles et choyée par les seins, secouée, enroulée de toutes les manières. Je passai la nuit en leur compagnie, soit au creux de la dune, soit au pied de celle-ci, dans une grotte où je fus le second homme admis à pénétrer. Le premier avait été un navigateur dont la postérité a conservé le nom et qui passe pour disparu dans une tempête, alors que, recueilli par les maîtresses de la mer, il est mort au bordel des Sirènes du dépit et du regret de ne pouvoir se livrer sur des mousses aux habitudes de sodomie qu’il avait jadis contractées.

Le réduit que je nomme le Bordel était taillé dans le roc et les sablons. Un lampadaire de cristal, tout en facettes, l’éclairait d’une lumière tiède et d’un vert de vague, une lumière océanique : or, je me rendis bientôt compte que cet éclairage n’était que les reflets des paillons du lustre taillés en prisme. Nous soupâmes de salicoques arrosées de vin du Rhin et autant que je puis m’en souvenir, après plus de dix ans, ces salicoques avaient le même goût marin, que la conque d’amour des Sirènes où ma langue avait