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LES SILÈNES

parée de mon instrument qu’elle pétrissait sans vergogne.

Nous nous dirigeâmes ainsi vers la sortie de la ville ; de minute en minute une brise, un zéphyr ineffable venait nous embrasser, et ma verge et ses ballonnets que j’avais laissés hors de ma brayette en recevaient une douceur nouvelle. Il me semblait alors qu’ils allaient s’envoler vers un paradis oriental, vers un harem uniquement composé de prix de beauté, où langues et fentes ne leur laisseraient point de répit. C’est dans cet agréable moment, quand les ondes de l’amour expiraient adorablement dans mes fesses, que les airs les plus lascifs et les plus mélodieux vinrent surprendre nos oreilles.

Si j’expire d’être misée
Amour, que ton aile m’emporte !
Par le nectar qu’un vit m’apporte
Il m’est si doux d’être arrosée…

Douceur des vers de Lamartine
Je sens tes effets dans mon cœur
Mais plus doux est le chant vainqueur
Que me fait entendre une pine !

Nous nous approchâmes du rivage d’où paraissaient venir les échos de ce concert priapique et, dissimulés sous une dune, nous aperçûmes enfin sept corps blancs aux contours d’une divine mollesse, folâtrant gracieusement dans le sable, les algues aux reflets lunaires, la chevelure crespée de l’écume et les vagues noires de la nuit. Nous descendîmes à pas de loup vers les nudités que j’avais, malgré le clair-obscur, reconnues pour être des femmes, aux