Page:Jarry - Les Silènes (éd. Bibliophiles créoles), 1926.djvu/43

Cette page a été validée par deux contributeurs.
36
LES SILÈNES

faire encore six semaines d’heures supplémentaires, au pain sec, après la fin du monde ! Continuons ! Quel emploi utile on pourrait faire de ce grand bois de chênes là-bas. Ah ! quand donc viendront les heureux jours de la civilisation, jours où l’on transformera ce bois en bancs de classe, où l’on disposera avec ordre tous ces bancs dans les prés, où l’on y mènera de studieux garçonnets et de studieux jeunes gens et où l’on me nommera directeur de tout cet ensemble ? Alors grâce à un ballon captif je ferais du soleil couchant mon luminaire — la tour de l’église deviendrait ma plume — ce lac là-bas serait mon encrier — et ce massif de montagnes au loin serait un morceau de lard donné en témoignage de reconnaissance par les parents.

(Il se plonge dans une profonde méditation).

Monroc (frappant sur l’épaule du Maître d’école). — Vous voici plongé dans des rêveries véritablement pédagogiques, monsieur le Maître d’école.

Le Maître d’École. — Monsieur Monroc ! Vous me voyez ravi de cette joyeuse surprise ! Comment vous plut l’Italie, ce pays où les pierres parlent ? Aucun signe de vieillesse n’est-il encore visible sur la Vénus de Médicis ? J’espère que le pape n’avait pas marché dans de la saleté lorsque vous lui baisâtes le pied ? Je…

Monroc. — Je vous parlerai à tête plus reposée. Dites-moi seulement si rien n’a changé dans le pays ?

Le Maître d’École. — Rien de bien important durant votre absence. Hier, on a mis la pompe en état afin de nous protéger contre l’incendie d’avant-hier. Le riche Barthel, qui a épousé Catherine de qui il était si follement épris, vient de se faire tailler, à l’imitation des culottes qu’il portait déjà, une chemise en peau de cerf, les coups de