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LES SILÈNES
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comment cela se fit, il prit Camille pour un verre de sirop, la saisit et la vida tout d’une traite. Après cela il vint se plaindre auprès de moi de ce que le sirop eût été bien mauvais, car il lui avait donné d’horribles coliques.

Mort-aux-Rats. — Je perds courage et renonce presque à vous interroger encore. Que deviennent mes héros préférés, le Wallenstein de Schiller et le Hugo de Melluer ?

Le Diable. — Ils sont tous deux en enfer. Il est vrai que Hugo pensa en mourant que le Ciel s’ouvrait devant lui. Mais il s’était trompé, ce qui peut facilement arriver à un mourant. Certes son frère enleva à l’Archange l’épée vengeresse, non pour la rejeter, mais bien au contraire pour trancher lui-même la tête de son meurtrier et s’il riait alors et faisait de petits signes, c’était de la même façon qu’on fait de petits signes et rit avec un jeune chien désobéissant à qui l’on va flanquer ensuite une fessée d’autant plus retentissante.

Quant à Wallenstein, après un examen approfondi, nous trouvâmes qu’il était tout indiqué pour devenir recteur. Nous l’attachâmes donc immédiatement à notre collège infernal de Z.

Mort-aux-Rats. — Que le diable (se reprenant et avec une révérence) que Monsieur le Diable, vienne me pendre si je ne suis pas paralysé par l’étonnement et la surprise ! Mais continuez ! Que deviennent les auteurs eux-mêmes ? Que font Schiller, Shakespeare, Calderon, Arioste, Horace ?

Le Diable. — Shakespeare écrit des notes explicatives pour une édition à bon marché des œuvres de Franz Horn. Dante a jeté Ernest Schulze par la fenêtre. Horace a épousé Marie Stuart. Schiller pousse des soupirs en pensant au chevalier d’Auffenberg. Arioste vient de s’acheter un nou-