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LES SILÈNES

ner ! Que m’offrez-vous pour Liddy ? Elle est extraordinairement belle.

Le Diable. — Pour sa beauté, je donne 2.000 écus en monnaie conventionnelle.

Du Val. — Elle a de l’intelligence.

Le Diable. — Je la paie donc cinq sous deux liards de moins, car c’est chez une jeune fille une tare.

Du Val. — Elle a la main fine et blanche.

Le Diable. — Cela rend les soufflets doux ; pour cela, je paie 7.000 écus d’or.

Du Val. — Elle est encore innocente.

Le Diable (se renfrognant). — Heu, innocente par-ci, innocente par-là, je ne vous donne pour cela que trois sous et un liard en cuivre.

Du Val. — Mais Liddy a aussi de la sensibilité, de l’imagination. Ainsi, j’ai lu sur son journal privé qu’elle assimilait l’appareil génital des mâles à un travail compliqué de robinetterie.

Le Diable. — La sensibilité gâte le teint, l’imagination fait des cercles bleus autour des yeux, et de mauvaises soupes. Pour tout ce bazar, je donne par ironie une pièce de trois centimes.

Du Val. — Vous avez un goût assez difficile.

Le Diable. — Pour bien finir, je vous paie, pour que vous vous taisiez sur les qualités morales de la baronne, qu’il m’est malsain d’entendre, encore 11.000 écus en ducats couronnés de Hollande, et je vous demande si mes offres vous paraissent acceptables.

Du Val. — Tout cela fait, en tout ?

Le Diable (comptant sur ses doigts). — Pour la beauté, 2.000 écus en monnaie conventionnelle ;