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ADOLESCENCE
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— Non, mère.

Aussitôt, elle comprit sa méprise et abaissant mes paupières, de sa main douce :

— Dormez, dormez, mignonne, fit-elle.

Cet incident me rendit toute ma confiance et le lendemain, prenant l’initiative, j’offris de lui faire sa lecture.

— C’est que, répondit-elle, je crains de vous fatiguer la gorge.

Et je n’avais pas soupçonné que ce pouvait n’être que cela !… Nous sommes ingénieux à nous faire souffrir.

Notre réentente fut délicieuse et tout en m’instruisant en art, mère cherchait de plus en plus à former mon être moral. Tâche ingrate, celle-là : saturée d’amour-propre, plus qu’aucune adolescente de mon âge, je lui glissais des mains ; je regardais et j’écoutais, sans voir ni entendre et lorsqu’après la lecture, mère Saint-Blaise voulait relever quelque réflexion pieuse, je laissais monter à mes lèvres, un sourire condescendant. Parfait pour elle, qui était une sœur, de rechercher ces subtilités, mais moi, une jeune fille du monde… Mon exquise amie, ne perdait pour cela, ni son affabilité, ni son dévouement d’apôtre ; humble, elle essayait alors quelques conseils à la païenne et collectionnait à mon intention, des paroles célèbres qui m’enthousiasmaient.

Et presque soudainement, ce fut juin et la fin de l’année. Notre distribution des prix avait toujours lieu l’après-midi ; le lendemain, c’était au tour des écoliers et j’attendais Gonzague pour prendre le train. Cette année, grand’mère se trouvant un