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MOISSON DE SOUVENIRS

guérie, à l’aide du sérum, et grand-père affirmait que le sérum prévenait tout retour possible de la maladie ; mais je n’en souffris pas moins un terrible mal de gorge. On me soigna avec une tendresse et un dévouement inquiet que je ne pourrai jamais oublier. Grand’mère me composait des cataplasmes de soupe au lait épaisse, très chaude, dont je m’enveloppais comme d’une écharpe. Tous les matins, on m’inspectait aussi la gorge, en appuyant une petite cuiller sur ma langue, mais, grâce à Dieu, les funestes taches blanches n’apparurent pas.

La fièvre enfin tombée, je cessai de voyager de ma chaise à mon lit et mes idées s’éclaircirent. Maintenant, j’étais toujours sur pied, circulant sans bruit à travers la maison, et parlant peu, car je n’aurais pu le faire, qu’au prix de réelles souffrances. J’avais conservé une flanelle rose autour du cou et quand je passais devant une glace, je ne manquais jamais de m’y mirer, me trouvant très intéressante ainsi.

C’était la première fois que je prolongeais mon séjour à Saint-Claude. Tante partait chaque matin pour son école. Grand-père entrait et sortait, se chauffait auprès du poêle, échangeait quelque lente réflexion avec grand’mère, qui, elle, passait la majeure partie de son temps à confectionner des tapis. Elle possédait à cet effet, un métier, une sorte de table composée seulement de cadres sur lesquels, elle avait cloué une toile avec des broquettes. Il faut dire que la toile — une poche décousue — était agrémentée d’un dessin. Grand’mère avait tout un cahier de modèles. Depuis longtemps, grand’mère avait préparé ses pelotes de lisières, ces