C’était toujours ce qu’on me disait. J’aurais bien voulu me tromper, car je n’aimais pas vieillir. Nous traversâmes de l’autre côté du grand escalier, conduisant au parloir, et mère Saint-Blaise commença de me parler art. Elle choisissait ses mots, se mettait à ma portée et étonnée, extasiée, il me semblait qu’une petite âme insoupçonnée se levait en moi, toute timide, grandissait, s’enlaçait à l’autre.
L’herbe était déjà haute : par moments, le vent la moirait d’argent, frissonnait dans les feuilles et m’empoignait mollement à la gorge en faisant claquer les rubans de mon béret de toile blanche. Le voile de mère Saint-Blaise se soulevait, gracieux et elle me parlait toujours de l’Art. Tout à coup, la cloche sonna à l’église, notre voisine, annonçant le Mois de Marie. Je jetai à ma compagne, un regard de détresse, espérant je ne sais quoi. Mais, comme s’il lui eût été naturel d’interrompre ses plaisirs, elle reprit tranquillement ce qu’elle m’avait confié, en disant :
— Hâtez-vous ! Vos compagnes sont déjà en rangs.
Dès lors, très souvent, mère Saint-Blaise, occupée avec ses pinceaux dans le minuscule cabinet de musique qui lui servait d’atelier, me demanda de lui faire sa lecture spirituelle. Nous causions d’abord un peu ; je me sentais gênée avec elle, délicieusement, car je comprenais bien que cela ne durerait pas ; puis, elle me donnait le livre pieux. Lorsque j’avais lu à peu près quinze minutes, elle me remerciait d’un sourire et me donnait congé en disant :