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MOISSON DE SOUVENIRS

pouvait toujours s’en tirer, et avec une vélocité qui était comme un épanchement de mon bonheur intime, je traçai le portrait de Mlle  Le Ber que j’effaçai aussi précipitamment, après l’avoir un instant, regardé.

— Dommage ! fit une voix. Vous auriez dû la laisser.

Me retournant, j’aperçus mère Saint-Blaise, près de la tribune. Confuse, je ne trouvai rien à dire, rien de rien et je m’en retournais piteusement, quand elle me rappela.

— Vous aimez à dessiner ? questionna-t-elle.

— Oui, mère.

— Et vous n’avez jamais pris de leçons. Pourquoi ne pas vous y mettre ? C’est un art charmant, du moment, surtout, que vous avez des dispositions.

Elle essaya de poursuivre l’entretien, mais devant ma stupidité persistante, elle eut la bonté de me renvoyer.

Des semaines passèrent. Un samedi de fin de mai, à la toilette de trois heures, je mis mes souliers noirs du dimanche, à boucles et sans talons, un ruban bleu-pâle à mes cheveux que je portais encore en brosse et enfin, ma robe bleu foncé semée de tout petits pois blancs : jupe froncée à la taille, blouse bouffante, grand col de piqué blanc, genre marin. Quoiqu’il fît chaud, dehors, moi qui venais de prendre mon bain, je me sentais très fraîche et reposée et assise sur la chaise, à côté de mon lit, je songeais à toutes sortes de jolies choses à la fois et en attendant qu’on donnât le signal de descendre, je me disais aussi, ô honte, qu’il y aurait peut-être